On s’est baignés comme jamais cet été en Bretagne, le ciel était invariablement bleu, les soirées s’étiraient sur les terrasses et même pas besoin de la petite laine dont on ne se sépare jamais ici.
A partir de notre campagne, on n’hésitait pas à faire des kilomètres pour rejoindre les sentiers côtiers du Finistère. Ceux qui mènent à de petites plages choisies en fonction du vent et de la marée. Magnifiques par tous les temps et en toutes saisons. Mais là, c’était vraiment idyllique. Un été comme dans « Le blé en herbe » avec une eau sans frissons, à peine une petite fraîcheur au moment où elle arrive au niveau des épaules, et puis c’est tout. On approche, alors, de l’idée d’une harmonie complète avec la nature.
Notre côte, avec ses rochers, ses galets pas toujours doux et ronds, et ses goémons, ne se laisse pas apprivoiser du premier coup, il faut aimer avancer à tâtons dans cette eau adoucie par les algues et se laisser aller vers là où ça s’élargit. Pas de sable, parfois des petits cailloux blancs et gris, au quartz scintillant. On marche de travers et trébuche jusqu’au creux un peu plus doux où se trempe d’un coup.
Retour par des chemins plus ombragés qui longent la rivière.
Et retrouvailles et discussions au fond du jardin qui donne sur l’eau.
A la campagne aussi, l’été était bleu, vert, lumineux et chaud.
Les petites prunes colorent les haies des chemins.
Et dans les prés : promesses de pommes, soleil et grillons, presque le sud.
Les vaches ont soif, mais on veille à les abreuver.
Et puis, on finit par être un peu lassé de cette lumière crue, de l’herbe qui sèche, des champs jaunis, on rêve d’une saison plus douce, de promenades sous les ombrages, d’un endroit abrité où l’on poursuivrait son roman.
Presque l’automne, moins de monde, une lumière oblique un peu mouillée, irisée, à travers les frondaisons encore abondantes. L’atmosphère est plus silencieuse, les promenades dans les sentiers encore ensoleillés nous font déjà rêver de châtaignes et de champignons.
A l’école on récite encore :
« Odeurs des pluies de mon enfance »
“O temps charmant des brumes douces,
Des gibiers, des longs vols d’oiseaux,
Le vent souffle sous le préau… ».
René-Louis Cadou
Et c’est le temps des récoltes.
Les deux vignes ont été généreuses.
Les coings ne viennent pas du jardin, mais trouvés dans un champ, comme un cadeau de la nature (un verger abandonné, en fait) lors d’une promenade à vélo.
Nos voisins ont des pêches si belles qu’on se demande si elles sont vraies, mais oui !
Les nôtres sont plus rustiques mais j’aime leur petite amertume, et, surtout, le plant vient du vieux jardin de mon grand-père.
Un peu plus tard, d’autres voisins amis ont tant de figues qu’ils en distribuent à tout le village.
Bientôt confitures et tartes : chèvre et fruit.
Et puis, la saison avance encore, on fait de grandes balades à vélo, et à pied. A la campagne on a découvert un bois avec des chemins parfois bordés de prairies et de clairière. Des hêtres, des châtaigniers et des chênes, mes arbres préférés.
Ce paysage me rend toujours heureuse, c’est un idéal d’équilibre. Un plaisir comparable à celui d’un roman dans lequel on se coule complètement jusqu’à s’y fondre. Mais la marche apporte, en plus, un bien-être physique total. Dans la presse anglo-saxonne, on lit souvent le mot “grateful”qui me plaît : “reconnaissant”, à la vie ? A la nature ? A quelque chose d’au-dessus de nous, de l’ordre du beau, simplement, et qu’on a de la chance de sentir et de contempler. En ce qui me concerne, c’est surtout face à ce style de paysage. Une longue allée dans un bois, une clairière, des talus, des feuilles mortes. L’ idée d’un chemin qui mène à une maison un peu cachée, entourée d’arbres ou de grands murs, depuis toujours. Et la sensation d’y être, d’être dans ce paysage-là, d’appartenir à un lieu. Illusoire, puisqu’on ne fait que passer, mais un instant qui abolit le temps. Malgré tout.
Et on connaît une prairie qui nous offre parfois, les meilleurs champignons. D’ailleurs quand on parle de champignons, on veut dire “cèpes”.
Alors, là, c’est un des plus grands plaisirs de l’automne, la joie, toujours intacte, mêlée de surprise émerveillée, de découvrir une petite tête brune et veloutée sur laquelle sont collées quelques feuilles de châtaignier. Et leurs senteurs ! Parfums du fond des bois, d’humus, de feuilles mortes humides, et des sentiers de l’enfance.
Mais voilà, tout ça n’est pas tout à fait vrai, pas tout à fait faux non plus, puisque ces photos sont authentiques, et que c’est bien moi qui les ai prises, mais sur plusieurs années.
Les récoltes ne sont pas toujours parfaites, comme la vraie vie. Cette année, certaines pommes sont piquées, véreuses, tachées.
Le basilic n’est pas vraiment appétissant.
Celui-là encore moins, à moitié mangé par on ne sait quel parasite.
Le thym et la sauge sont desséchés.
Pas franchement engageants.
Le raisin est soit complètement mangé par des oiseaux sans peur et sans vergogne
Soit comme “vert de gris”alors que je l’ai traité dix fois à la bouillie bordelaise.
Quant aux champignons, c’est tout ce qu’on a trouvé, et je ne nous conseille pas de manger ça.
La nature n’est pas toujours comme dans les magazines et les blogs, les rosiers peuvent être rongés d’oïdium, les cerises volées par les moineaux avant d’être rouges, les capucines pleines de pucerons. Et je dois bien être la seule à n’avoir jamais réussi un plan de courgettes. Là, même pas de photos, il y a régulièrement des fleurs, et elles pourrissent tout aussi régulièrement, pas le moindre petit signe de courgette, alors que tous les potagers alentours regorgent de ce banal légume.
Mais on a toujours eu des roses
Très beau post, Marylène, poétique à souhait. On a eu beaucoup de chance cet été en Bretagne, un des plus beaux étés depuis de nombreuses années, espérons qu’on ne le paie pas cet hiver !
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Merci cher polybri, hélas, tout est à moitié faux !
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